Le festival de la rue
La Croisette, ils la connaissent, tout au long de l’année c’est leur maison, leur lieu de vie. Dix jours par an, elle est envahie par 150 000 personnes, devient le nombril du monde, tout du moins de la planète people. Que deviennent les sans domiciles de la Croisette pendant le festival, quand leur maison ou leur bout de trottoir n’est plus à eux ?
A Cannes, comme ailleurs
Si leur cas émeut et intéresse pendant le festival, il ne faut pas pour autant oublier que cette situation est la même toute l’année. Les sans domiciles de la Croisette y vivent et y mendient même en hiver. Tous sont arrivés là après des parcours chaotiques, à l’image des SDF de toute la France. Cannes ne déroge pas à la règle, ville glamour et paillettes par excellence, où la misère et la pauvreté sont, comme partout, présentes. A chaque grand événement (Midem, Mip TV, festival du film….) le bord de mer devient un lieu plus fréquenté par des festivaliers, mais aussi par des mendiants. Les SDF qui sont présents à l’année ne les voient pas d’un très bon œil : « ce sont des opportunistes, ils ne sont même pas à la rue. C’est facile de venir pour prendre de l’argent aux autres » explique Jean 53 ans, SDF cannois.
Dix jours presque comme les autres
Il explique que même en période de festival, il ne gagne pas mieux sa vie, « un euros par jour tout au plus ». Devant lui une chaise avec soixante dix centimes posés, il est 23h30, la Croisette est bondée de monde. Les regards sont furtifs, face au luxe et au glamour de la montée des marches, cet homme, les cheveux hirsutes, le pull troué et le caddie débordant d’affaires (vraisemblablement tout ce qu’il possède) dérange. « Les gens ne vous parlent pas, moi je suis pas le festival ».Impossible d’en savoir plus, l’homme est paranoïaque et prétend avoir été empoisonné par le Martinez, qui lui a offert un sandwich.
Pour lui comme pour les autres, le festival oblige à quelques changements. Impossible de dormir sur la Croisette, il y a trop de bruit et trop de passage. Il faut alors aller dans les rues parallèles, les entrées d’immeubles pour pouvoir trouver un peu d’intimité et de sécurité, une obsession pour chacun d’entre eux. Dans la journée les SDF ne sont plus sur le même trottoir qu’à l’accoutumée, « on peut plus se mettre du côté de la mer, on a pas le droit ». La police municipale, déclare n’avoir reçu aucun ordre à propos des SDF, ni de les faire « disparaître » de la Croisette, ni de les installer de l’autre côté de la rue. Pourtant ils ont bien traversé. Si les SDF ne sont pas la plus belle vitrine de Cannes, ils ne sont pas jetés hors de la ville pendant le festival. Les grands hôtels, à l’image du Martinez, fournissent parfois des sandwiches aux SDF qui vivent non loin de là…
Et les autres….
La rue est aussi envahie d’énergumènes en tous genres…..Spider Man, Superman, Charlie Chaplin, Moine bouddhiste…… Ils n’ont que leur corps et comptent dessus pour gagner de l’argent. Ils ne sont pas SDF, juste artistes de rues et débarquent, de la capitale le plus souvent, comme toute la marée humaine qui envahit Cannes pendant le festival. Stephan l’un d’entre eux explique « je ne crois pas qu’on n’ait pas notre place sur la Croisette pendant le festival. Nous on propose quelque chose aux gens contre de l’argent, on ne mendie pas. Je ne crois pas qu’on prenne l’argent des SDF. »
SDF, mendiant, ou artiste de rue, le festival de Cannes c’est aussi ça. Etre au festival c’est bien, mais pouvoir détourner les yeux du tapis rouge et comme l’a dit Sean Penn, président du jury « être conscient du monde qui nous entoure », c’est mieux.